Une entité pathologique rare

Ali Kharroubi, Elouni Neila, Adel Chokki, Soufiene Nouira, Chedlya Garsaâ, Youssef Harrath

Service des Urgences, hôpital de régional de Siliana (Tunisie)

La cholécystite emphysémateuse (CE) est une forme rare et atypique de cholécystite aiguë à germes anaérobies. Il s’agit d’une véritable entité pathologique.

Le but de ce travail est de présenter un cas de cholécystite emphysémateuse et de discuter les mécanismes physiopathologiques ainsi que les modalités diagnostiques et thérapeutiques de cette affection grave.

Observation

Madame R, diabétique connue âgée de 75 ans, avait consulté aux urgences pour douleurs de l’hypochondre droit, évoluant depuis 3 jours.

- Examen : apyrétique, hypochondre droit sensible.

- La radiographie de l’abdomen (ASP) a montré un niveau hydro-aérique avec un liseré gazeux en regard de l’aire hépatique (Fig. 1).

Pneumoperitoine
Fig 1

- L’échographie abdominale avait conclu à une vésicule lithiasique distendue à paroi épaissie avec un discret épanchement péri-vésiculaire (Fig. 2).

Echographie
Fig 2

- La biologie : GB à 18200 éléments / mm3, glycémie à 1,67 g/L, urée : 0,60 g/L.

- A l’intervention : découverte d’une vésicule biliaire à paroi nécrotique mais non perforée contenant de multiples bulles d’air (Fig. 3 et 4). La ponction de la vésicule a ramené du gaz et une bile puriforme. Une cholécystectomie a été effectuée. La vésicule était lithiasique, et la cholangiographie per-opératoire était normale.
- L’étude anatomopathologique de la pièce opératoire a montré une nécrose de type ischémique touchant l’ensemble des tuniques de la paroi vésiculaire.

Les suites opératoires ont été favorables sous antibiothérapie.

cholécystite emphysémateuse
cholécystite emphysémateuse
 

Discussion

- La cholécystite emphysémateuse (CE) est une pathologie peu courante, [254 cas ont été rapportés dans la littérature (1)].

- Elle est appelée aussi « cholécystite aiguë gazeuse, aérocholécystite ou gangrène gazeuse de la vésicule ».

L’épidémiologie de la CE est différente de celle de la cholécystite aiguë (CA). Elle touche plutôt les hommes (3-5 H/1 F) au-delà de 50 ans. Le diabète et les terrains débilités sont des facteurs prédisposant.

- La lithiase est 3 fois moins fréquente en cas de CE.

- Ces données ont été vérifiées chez notre patiente sauf pour le sexe et pour la lithiase.
- L’ischémie, principal mécanisme physiopathologique, favorise la colonisation puis l’infection par des germes anaérobies produisant du gaz (CO2) tels que : E. Coli, Clostridium welchii (++), Clostridium perfringens, Klebsielles ….

- Le pronostic est mauvais du fait du profil du patient atteint (diabétique, tares viscérales...). La mortalité s’élève à 15 % alors qu’elle est de 4,1 % pour la cholécystite aiguë. Les principales complications sont la nécrose et la perforation. (5 fois plus fréquentes qu’en cas de CA).

La présence d’un pneumopéritoine est rare et constitue un facteur de mauvais pronostic (perforation vésiculaire, extension du sepsis).

- Le tableau clinique est souvent peu alarmant avec une apyrexie dans 1/3 des cas, des douleurs amenuisées par la neuropathie diabétique.

- Biologiquement, il y a une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles (absente dans 1/3 des cas) associée à un syndrome inflammatoire.

- Le diagnostic préopératoire de CE est radiologiqueL’échographie peut mettre en évidence outre les signes de cholécystite, la présence d’air à l’intérieur ou dans la paroi de la vésicule.

La radiographie de l’abdomen sans préparation (ASP) peut montrer un niveau gaz–liquide dans la vésicule, un halot gazeux entourant la vésicule, du gaz dans les tissus péri vésiculaires voire une aérobilie. Ces signes apparaissent 24 à 48 h après le début des symptômes.

Le scanner abdominal : examen sensible pour le diagnostic de CE.

Conclusion

  • La cholécystite emphysémateuse est une entité pathologique rare et différente de la cholécystite aiguë.
  • Malgré un pronostic radicalement différent, il est très difficile de les distinguer cliniquement.
  • Seuls les examens radiologiques, et notamment le scanner abdominal, permettent le diagnostic de cholécystite emphysémateuse et la mise en route en urgence d’un traitement médicochirurgical adapté.

Bibliographie

1/ O. Mercier, H. Kotobi, G. Godiris-Petit, D. Gallot. La cholécystite emphysémateuse : une entité pathologique. À propos d’un cas. Annales de chirurgie 128 (2003) 716–718
2 / Lorenz RW, Steffen HM. Emphysematous cholecystitis: diagnostic problems and differential diagnosis of gallbladder gas accumulations. Hepatogastroenterology 1990;37:103–6.
3/ Jolly BT, Love JN. Emphysematous cholecystitis in an elderly woman: case report and review of the literature. J Emerg Med 1993; 11:593–7.
4/ Elliot DL, et al. Emphysematous cholecystitis following cardiopulmonary resuscitation. Arch Intern Med 1984;144:635–6. 
5/ Nakamura H, Kondoh H. Emphysematous cholecystitis: complication of hepatic artery embolization. Cardiovasc Intervent Radiol 1986;9: 152–3. 
6/ Lindsey I, Kitchen G, Leung D. Emphysematous cholecystitis. Aust N Z J Surg 1996;66:267–8. 7/ Watson DI, Isaacs J,Williams RS. Emphysematous cholecystitis can cause pneumoperitoneum. Aust N Z J Surg 1994;64:130–1.
8/ Wu CS, Yao WJ, Hsiao CH. Effervescent gallbladder: sonographic findings in emphysematous cholecystitis. J Clin Ultrasound 1998;26: 272–5.
9/ Andreu J, et al. Computed tomography as the method of choice in the diagnosis of emphysematous cholecystitis. Gastrointest Radiol 1987; 12:315–8.


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