fractures pelviennesPr Mohamed Laaziz Ben Ayéche - Service Orthopédie – CHU Sahloul Sousse (Tunisie)

I) INTRODUCTION :

Les fractures du bassin (ou pelviennes) sont peu fréquentes, surviennent souvent dans les traumatismes à haute énergie (ACC, AT par chute d’une certaine hauteur) et se voient plus rarement chez les patients âgés présentant une ostéoporose et les sportifs par arrachement tendino-musculaire.

Une radiographie du bassin est systématique chez les polytraumatisés et traumatisés crâniens comateux
Les fractures du cotyle constituent une entité nosologique indépendante et sont traitées à part.
L’examen clinique permet de suspecter la lésion, demander les examens d’imagerie nécessaires, rechercher une lésion intra pelvienne associée et le retentissement de l’atteinte du basin sur l’état hémodynamique du patient. La prise en charge dépendra de la nature de la lésion :

- Orthopédique si la lésion est purement ostéo-articulaire
- Multidisciplinaire si la lésion est associée à une atteinte des organes intra pelviens ou si le patient présente un état de choc.

II) RAPPEL ANATOMIQUE ET BIOMÉCANIQUE :

1) Rappel anatomique :

Le bassin est un système ostéo-articulaire intermédiaire entre le tronc et les membres inférieurs. Le système osseux est constitué par le sacrum et les deux os coxaux, articulés en arrière par les deux articulations sacro iliaques et en avant par la symphyse pubienne. Le système ligamentaire est constitué par les ligaments ilio transversaires, sacro iliaques, sacro épineux et sacro tubéraux.

2) Rappel biomécanique :

Les zones de faiblesse sont :

- En arrière : les trous sacrés et les articulations sacro iliaques.
- En avant : La symphyse pubienne et les cadres obturateurs

III) MÉCANISME :

- Compression antéro postérieure : Disjonction pubienne, fracture des deux cadres obturateurs
- Compression latérale : Fractures de Malgaigne, Voillemiere en « anse de seau »
- Cisaillement : Point d’impact vertical asymétrique

IV) CLASSIFICATION :

La classification de Tile :

1) Type A : Stable

A1 : Sans interruption de l’anneau pelvien (fracture – arrachement ou fracture du sacrum)
A2 : Non ou peu déplacée mais stable (fracture du cadre obturateur d’origine ostéoporotique)
2) Type B : En rotation instable mais verticalement stable

B1 : Ouverture externe « open book », d’une aile iliaque avec disjonction pubienne et lésion sacro iliaque
B2 : Fermeture interne d’une aile iliaque par compression ipsilatérale).
Les lésions antérieures et postérieures peuvent être osseuses, ligamentaires ou mixtes (fracture de Malgaigne, fracture de Voillemier).

B3 : Associe une fracture d’un cadre obturateur avec une atteinte sacro iliaque contro latérale (fracture en « anse de seau »). C’est les cas d’une compression contro latérale.
3) Type C : Instable en rotation et verticalement

C1 : Unilatérale
C2 : Bilatérale
C3 : Associée à une fracture acétabulaire

V) ÉTUDE CLINIQUE :

1) Polytraumatisé ou patient en état de choc :

Réanimation première puis bilan standard réalisé en extrême urgence.

2) Patient conscient avec des constantes hémodynamiques stables :

* Interrogatoire : circonstances, douleurs du bassin et impotence fonctionnelle totale avec impossibilité de se mettre debout ou de marcher

* Examen :

Inspection : Points d’impact, déformations du bassin
Palpation : Points douloureux, repérage de l’asymétrie des crêtes iliaques
Recherche d’instabilité : Deux manœuvres : Écartement – rapprochement des ailes iliaques
Deux examinateurs : Un qui tient les deux crêtes iliaques et l’autre exerce une poussée vers le haut du membre inférieur. S’il y’a instabilité le premier perçoit une translation de l’hémi bassin.
La manœuvre inverse par la traction sur le membre inférieur entraîne la perception de la réduction de l’hémi bassin.

* Recherche de complications :

Cutanées ou muqueuse
Urinaire
Vasculaires
Neurologiques
Lésions associées

VI) IMAGERIE :

Radiographie du bassin de face
Incidences de Pennal : Cliché oblique descendant « Inlet view » et cliché oblique ascendant «Outlet view»
TDM avec possibilité de reconstruction dans l’espace.

VII) ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS :

1) Evolution favorable :

consolidation des fractures non ou peu déplacées et des fractures par arrachement entre 30 et 45 jours. Les fractures déplacées consolident entre 3 et 4 mois, en moyenne

2) Complications :

Générales :
Etat de choc
Embolie graisseuse
Complications thrombo emboliques
Décès du patient

Locales :
Fracture ouverte : Risque d’hémorragie et de surinfection (syndrome toxi infectieux grave)
Complications vasculaires: Lésions tronculaires artérielles (iliaque ou hypogastrique) ou veineuses et hématome rétro péritonéal.
Tableaux divers : état de choc, ischémie aigue, hypertension veineuse
Complications nerveuses : Atteinte des nerfs grand sciatique ou une de ses branches (SPE, PSI), obturateur, crural, fémoro cutané, etc
Complications urologiques : Lésion vésicale extra ou intra péritonéale et les ruptures de l’urètre.
Complications ano rectales : Risque de gangrène gazeuse
Complications périnéo génitales : Lésions de l’utérus et ses annexes, impuissance chez l’homme
Séquelles :
Séquelles orthopédiques : Cals vicieux (douleurs, inégalité de longueur des membres inférieurs, dystocie du bassin), pseudarthrose, instabilité source de douleurs et d’arthrose.
Séquelles non orthopédiques : urinaires, gynécologiques, sexuelles, périnéo rectales et nerveuses.

VIII) TRAITEMENT :

1) Réanimation du patient en état de choc :

Sur le site de l’accident (SAMU) :
VAV, remplissage, Oxygénothérapie, traitement de la douleur

A l’arrivée à l’hôpital :
Quatre examens sont nécessaires : RX rachis cervical, RX thorax, RX bassin et échographie abdominale
L’association AVP + Etat de choc + Hémopéritoine = Laparotomie en urgence
L’association AVP + Etat de choc + Fracture du bassin = Embolisation artérielle en urgence.
Si l’état de choc persiste, faire une fixation externe. La chirurgie de type Pcking doit être exceptionnelle

2) Traitement des lésions osseuses :

  • Le décubitus : pour les fractures stables
  • Le hamac est peu utilisé
  • Réduction sous AG et stabilisation par fixateur externe en compression, fiches ancrées dans les crêtes iliaques. Indications : disjonction de la symphyse pubienne > 3 cm et dans les lésions de type B et C
  • Traction continue : en cas d’ascension d’un hémi bassin
  • Ostéosynthèse interne : Plaque vissée antérieure (disjonction symphysaire) et le vissage sacro iliaque (luxation sacro iliaque).

© Pr Ben Ayache - efurgences