Intoxication au Chlorfénapyr : Mécanisme, Manifestations Cliniques, Diagnostic et Prise en Charge

Le chlorfénapyr est un insecticide pyrrole largement utilisé dans l’agriculture et la santé publique. Bien que rare, son intoxication humaine est associée à une mortalité élevée.

C'est un toxique à effet retardé, hautement létal, dont la reconnaissance précoce et la prévention de l’exposition demeurent essentielles.

1. INTRODUCTION :
Le chlorfénapyr est un insecticide de la famille des pyrroles halogénés, dérivé de la dioxapyrrole.

Il est commercialisé sous divers noms, par exemple : Pirate®, Challenger®, Termidor®, Phantom®; Pylon®. Bas Fenapyr®, Chlorphenapyr®, Cambri®, …

Il est utilisé en agriculture pour le contrôle des ravageurs (insectes detruisant les plantes), en santé publique contre les moustiques vecteurs du paludisme, et en usage domestique contre les termites, acariens.

Des cas d’intoxications graves, souvent volontaires, ont été rapportés, particulièrement en Asie. L’absence d’antidote et la latence symptomatique rendent la prise en charge difficile.

 

2. MÉCANISME DE TOXICITÉ :
Le chlorfénapyr est une pro-toxine métabolisée par le cytochrome P450 en CL 303268, un métabolite actif lipophile. Ce dernier dissocie la phosphorylation oxydative mitochondriale, empêchant la synthèse d’ATP et provoquant une défaillance énergétique cellulaire. Les tissus à forte activité métabolique (foie, cerveau, cœur, muscles) sont les plus touchés, expliquant la latence et la gravité de l’intoxication.

3. MANIFESTATIONS CLINIQUES :

3.1. Phase précoce (0–24 h)
Les symptômes initiaux sont aspécifiques : nausées, vomissements, douleurs abdominales, vertiges, céphalées, parfois asymptomatiques.

3.2. Phase retardée (24–72 h et plus)
Les signes deviennent sévères : hyperthermie majeure (> 40 °C), troubles neurologiques (agitation, confusion, coma), atteinte hépatique et rénale, rhabdomyolyse, acidose métabolique et défaillance multiviscérale.

4. DIAGNOSTIC :
Le diagnostic repose sur l’anamnèse d’exposition, la symptomatologie retardée et les examens biologiques montrant cytolyse hépatique, élévation des CK, acidose métabolique et insuffisance rénale.

Aucun test spécifique de dosage du chlorfénapyr n’est disponible en pratique clinique.

5. TRAITEMENT :

5.1. Mesures générales
- Aucun antidote spécifique n’existe.

- Le traitement repose sur le lavage gastrique précoce et le charbon activé,

- Hospitalisation en soins intensifs pour surveillance et support vital.

5.2. Support vital
Refroidissement externe actif, assistance respiratoire, correction de l’acidose, traitement des convulsions et soutien hémodynamique.

L’hémodialyse est inefficace en raison de la lipophilie élevée du toxique.

5.3. Surveillance
Une surveillance prolongée (5 à 7 jours) est nécessaire, même en l’absence initiale de symptômes.

6. PRONOSTIC :
Le pronostic est souvent fatal en cas d’ingestion > 10–20 mL de formulation commerciale. Les facteurs de mauvais pronostic incluent l’hyperthermie sévère, la défaillance multiviscérale et un délai prolongé avant la prise en charge.

7. PRÉVENTION :
Port d’équipements de protection individuelle, stockage sécurisé, formation des utilisateurs agricoles et sensibilisation à la toxicité extrême du produit.

8. CONCLUSION :
L’intoxication au chlorfénapyr est une urgence médico-toxicologique grave, sans antidote spécifique. La prévention de l’exposition et la reconnaissance précoce des symptômes sont essentielles pour réduire la mortalité.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES :
1. Lee JH et al. Chlorfenapyr intoxication: A rare but fatal pesticide poisoning. Clin Toxicol. 2020;58(6):480–487.
2. Kang C et al. Clinical features of chlorfenapyr poisoning. Hum Exp Toxicol. 2018;37(10):1054–1059.
3. Raghavendra K et al. Chlorfenapyr: A new pyrrole insecticide for vector control. J Med Entomol. 2011;48(3):564–572.
4. Kim YH et al. Mitochondrial dysfunction induced by chlorfenapyr: Pathophysiologic insights. Toxicol Lett. 2019;315:104–111.

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