Physiopathologie, signes cliniques, diagnostic et prise en charge aux urgences
Les pyréthrinoïdes (pyrethrins naturels et analogues synthétiques) sont largement employés en agriculture, en santé publique et dans les produits domestiques (insecticides d'usage courant). Considérés comme relativement sûrs pour l’homme, ils peuvent toutefois provoquer des intoxications en cas d'exposition massive, d'ingestion accidentelle ou volontaire ou chez des sujets vulnérables (enfants, maladies neurologiques préexistantes).
1. Physiopathologie :
1.1 Mécanismes d'action
Les pyréthrinoïdes modulent principalement les canaux sodiques voltage-dépendants des membranes neuronales, ralentissant leur inactivation et provoquant une dépolarisation prolongée et une hyperexcitabilité neuronale. On distingue deux grands types :
- Type I (ex. perméthrine) : provoquent tremblements, hyperexcitabilité (syndrome dit « type I »).
- Type II (ex. deltaméthrine, cyperméthrine) : souvent associés à des symptômes plus prononcés, interaction supplémentaire avec les voies GABAergiques/chlorure → risque convulsivant.
Le métabolisme est principalement hépatique (CYP), avec élimination urinaire de métabolites; la résorption cutanée est généralement faible mais cliniquement significative si exposition prolongée.
2. Signes cliniques :
La sémiologie dépend du type de produit, de la voie d'exposition (cutanée, inhalation, digestive), de la dose et du terrain; les symptômes apparaissent souvent dans les 1–6 heures suivant l'exposition.
2.1 Exposition cutanée
- Paresthésies localisées (brûlures, picotements), prurit et érythème.
- Souvent réversibles en quelques heures après décontamination.
2.2 Inhalation / voie respiratoire
- Toux, irritation pharyngée, dyspnée, bronchospasme (notamment chez asthmatiques).
- Céphalées, vertiges possibles.
2.3 Ingestion
- Naussées, vomissements, hypersalivation, douleurs abdominales.
- Manifestations neurologiques : tremblements, fasciculations, myoclonies (type I) ; convulsions, ataxie, altération de la conscience (type II) dans les cas plus sévères.
2.4 Formes sévères (rares)
- Convulsions réfractaires, coma, œdème pulmonaire non cardiogénique et complications secondaires (rhabdomyolyse après convulsions prolongées).
3. Diagnostic :
Le diagnostic est essentiellement clinique et anamnestique : rechercher toute exposition à un insecticide contenant des pyréthrinoïdes. Les examens complémentaires sont non spécifiques mais servent à évaluer la gravité et les complications.
Examens utiles
- Bilan standard : ionogramme, creatinine, bilan hépatique, CPK si agitation/convulsions.
- Gaz du sang si détresse respiratoire ; ECG pour dépister arythmies secondaires.
- Dosages toxicologiques (métabolites urinaires) disponibles en toxicologie spécialisée mais rarement utiles pour la prise en charge initiale en urgence.
4. Prise en charge aux urgences :
Il n'existe pas d'antidote spécifique : la prise en charge est symptomatique et de soutien.
4.1 Mesures immédiates
- Décontamination cutanée : retirer les vêtements contaminés, lavage abondant à l'eau et au savon (10–15 min).
- Décontamination digestive : charbon activé (1 g/kg) si ingestion récente et patient protecteur des voies aériennes, lavage gastrique rarement indiqué.
4.2 Traitement des symptômes neurologiques
- Convulsions : benzodiazépines (diazépam, midazolam) en première intention, barbituriques si résistantes.
- Tremblements/myoclonies : souvent contrôlés par benzodiazépines.
4.3 Traitement respiratoire et surveillance
- Bronchospasme : β2-agonistes inhalés, oxygénothérapie ; intubation si altération de conscience ou détresse respiratoire.
- Surveillance continue : monitorage cardiorespiratoire, recherche de complications (œdème pulmonaire, rhabdomyolyse, troubles métaboliques).
5. Pronostic :
Dans la majorité des cas, l’évolution est favorable après prise en charge de support. Les décès sont rares et surviennent principalement après ingestions massives ou en présence de comorbidités sévères. La durée d'observation recommandée dépend de la voie d'exposition et de la sévérité : observation de 6–12 h (au minimum) pour les expositions modérées à sévères est couramment pratiquée en urgences.
Conclusion :
Les pyréthrinoïdes peuvent provoquer une symptomatologie cutanée, respiratoire ou neurologique. L’approche en urgence reste symptomatique : décontamination, maintien des fonctions vitales et traitement des convulsions. La plupart des patients récupèrent rapidement après prise en charge adéquate.
Bibliographie :
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- Burns CJ. Pyrethroid epidemiology: a quality-based review. Crit Rev Toxicol. 2018. (Contexte épidémiologique et effets chroniques évoqués).
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