BiomarqueursLa sémiologie est l’étape primordiale qui oriente le médecin. En effet, le diagnostic nécessite un interrogatoire minutieux, un examen clinique complet et si nécessaire des examens biologiques ou radiologiques simples à faible coût. Dans la majorité des cas cela suffit au praticien.

La complexité de la science médicale et l’existence de formes cliniques atypiques amènent à rechercher des marqueurs biologiques spécifiques non invasifs, validés et peu onéreux.


I. DÉFINITION :

Les marqueurs biologiques (ou biomarqueurs) sont des indicateurs d'un état pathologique particulier et qui sont utiles pour le diagnostic, le suivi et le pronostic d’une maladie. Un marqueur idéal doit être de cinétique rapide (précoce), sensible, spécifique et de bonne corrélation avec la sévérité de l’inflammation.

Dans le cadre d’une infection, les examens biologiques couramment demandés sont la numération formule sanguine (NFS), la bandelette urinaire (BU), la protéine C-réactive (CRP), la procalcitonine (PCT), les hémocultures, l’examen cytobactériologique des urines (ECBU). Ces examens, avec éventuellement l’imagerie, guident la prescription et permettent la bonne utilisation d’antibiotiques mais ne remplacent en aucun cas le jugement clinique.

II. NUMÉRATION FORMULE SANGUINE (NFS) :

Cet examen apporte des informations sur l’hémogramme et permet de révéler une anémie, une hyperleucocytose ou une neutropénie et le nombre des plaquettes.
Un taux élevé de globules blancs (> 10.000/mm3) et surtout la polynucléose neutrophile orientent vers une infection, une inflammation non spécifique ou parfois une leucémie. Les infections virales n'entraînent pas en général une hyperleucocytose.

Cet examen donne une évaluation globale de l’état de santé et les résultats sont à interpréter cas par cas.

III. VITESSE DE SÉDIMENTATION (VS) :

Vitesse de sédimentation et CRPLa vitesse de sédimentation (ou réaction de Biernacki) est une technique ancienne.

La sédimentation des globules rouges dépend de la morphologie des hématies mais aussi des charges électrostatiques négatives qu’ils possèdent à leur surface. Les protéines de l’inflammation inhibent ces charges négatives, favorisent l’agrégation des hématies entre elles et accélèrent leur sédimentation.

La valeur normale est < 10 mm (1ère heure) et < 20 mm (2ème heure)
Cette valeur varie avec l’âge, le sexe et avec l’hémodilution (exemple : grossesse).
Seuil pathologique :

  • Chez l’homme : âge (années) /2
  • Chez la femme : âge +10/2

La VS a une cinétique lente, s’élève à partir de la 30ème heure de l’inflammation (ou l’infection) avec retour à la normale plusieurs semaines après.
Elle n’est pas spécifique, elle peut être accélérée dans plusieurs maladies telles que les infections, l'anémie, les maladies rhumatismales, l'Insuffisance rénale, l'insuffisance cardiaque, les néoplasies, etc.

Bien que c’est un examen simple et peu coûteux, son intérêt est faible en médecine d’urgence. Il est moins spécifique et moins sensible que la CRP.

IV. PROTÉINE C- RÉACTIVE (CRP) :

La protéine C-réactive a été décrite pour la première fois par les américains Tillet et Francis en 1930. C’est une protéine produite en grande partie par le foie en réponse à l'interleukine-6, une cytokine libérée non seulement au cours des infections mais aussi dans de nombreuses situations inflammatoires. La CRP n’est pas spécifique.

Sa valeur normale de référence est inférieure à 6 mg/l.

La sécrétion de CRP débute entre la 6ème et la 12ème heure de l’inflammation avec un pic obtenu dans les 24-48 heures.

  • Une légère augmentation peut être constatée en cas de grossesse, d’obésité ou de tabagisme.
  • Dans les infections bactériennes, la CRP est habituellement supérieure à 50 voire à 100.
  • Pour les chiffres moyennement élevés, il peut s’agir d’une infection virale ou autre inflammation, tout dépend du contexte clinique.
  • Des taux élevés et persistants de CRP peuvent être observés dans des états inflammatoires chroniques tels que les infections chroniques ou les arthrites inflammatoires.
  • Dans le cadre de la COVID-19, la CRP a été largement étudiée et on a observé des valeurs élevées (20 – 50 mg/l) et surtout en cas de lésions pulmonaires ou des thromboses.
  • Chez l’enfant, la CRP ne permet pas de prédire l’origine bactérienne d’une pneumonie.

Actuellement, il existe sur le marché des appareils permettant le dosage rapide de CRP, au chevet du patient, grâce à un prélèvement capillaire au bout du doigt.

V. PROCALCITONINE (PCT) :

La procalcitonine est une protéine décrite, au début des années 1990, comme un marqueur de l'inflammation spécifique des infections bactériennes, peu influencé dans les infections virales et les syndromes inflammatoires non infectieux. En outre, la PCT est un indicateur de la sévérité de l'infection, utilisable pour une évaluation du pronostic.

La procalcitonine s’élève précocement dans le sang après l’infection bactérienne (3 à 6 heures), son pic est atteint entre 12 et 24 heurs. La concentration augmente avec la gravité de l’infection et revient à la normale avec la guérison.

Cinétique des marqueurs biologiques de l'inflammation

Une PCT < 0,05 ng/mL éliminerait une pneumonie aigue bactérienne dans 90% des cas alors qu’une PCT élevée (> 2 ng/mL) prédirait l’origine bactérienne de la pneumonie dans 90% à 95% des cas. La prescription des antibiotiques pouvait être plus rationnelle dans ce contexte.

La PCT est plus sensible et plus spécifique que la CRP pour différencier une origine infectieuse.

VI. CONCLUSIONS :

  • L’utilisation des biomarqueurs (PCT ou CRP) permet de guider la mise en route d’un traitement antibiotique en médecine ambulatoire et aux urgences.
  • Il semble difficile d'exclure un des marqueurs biologiques, leur association permet d'optimiser la prise en charge à condition que l'on connaisse leurs caractéristiques respectives pour les interpréter.
  • Devant un tableau clinique évident (ex. choc septique, méningite, urgence abdominale) il n’y a aucun intérêt à attendre le résultat des biomarqueurs.

BIBLIOGRAPHIE :

  1. M. NEUVILLE et al : Place des biomarqueurs dans la prise en charge des infections pulmonaires. Revue des Maladies Respiratoires, Volume 36, numéro 3, mars 2019, pages 405-414
  2. J.-P. QUENOT et al : Gestion de la durée de l’antibiothérapie selon les résultats des biomarqueurs. Réanimation (2016) 25:287-295. DOI 10.1007/s13546-016-1180-9
  3. LE GOFF C et al : Les marqueurs biologiques de l’inflammation : faisons le point. Revu Med Liège 2022; 77 : 5-6 : 258-264
  4. Conseil Scientifique Luxembourg : Les marqueurs biologiques de l’inflammation. (site conseil-scientifique.lu)
  5. P. HAUSFATER : Le dosage de la procalcitonine en pratique clinique chez l’adulte. La Revue de médecine interne 28 (2007) 296–305

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