RECOMMANDATIONS :
Prévention de la thromboembolie veineuse et surveillance de l'hémostase chez les patients atteints de COVID-19 : Propositions actualisées (avril 2021) : Du groupe de travail français sur l'hémostase périopératoire (GIHP) et du groupe d'étude français sur la thrombose et l'hémostase (GFHT), en collaboration avec la société française d'anesthésie réanimation (SFAR)

Le groupe de travail a défini sept questions (ci-dessous synthèse) :

1) QUI DOIT RECEVOIR UNE ANTI COAGULATION PROPHYLACTIQUE À DOSE STANDARD ?
a) Patients non hospitalisés :

  • Patients à haut risque avec une réduction significative de la mobilité associée à au moins un facteur de risque parmi : IMC > 30 kg/m², âge > 70 ans, cancer actif, antécédents personnels de thromboembolie veineuse ou de chirurgie majeure au cours des trois derniers mois.
  • Les patients qui nécessitent une supplémentassions en oxygène à domicile doivent être considérés comme équivalents aux patients hospitalisés : anticoagulation prophylactique à dose standard.

b) Patients hospitalisés :

  • L'absence d'anticoagulation prophylactique a été associée à une augmentation de la mortalité des patients COVID-19 hospitalisés.
  • Chez les patients hospitalisés non sévères, définis par un besoin en oxygène égal ou inférieur à 6 L/min, nous suggérons une anticoagulation prophylactique à dose standard.
  • Chez les personnes sous traitement anticoagulant au long cours, le passage à une anticoagulation parentérale peut être envisagé pour limiter les interactions médicamenteuses et permettre l’ajustement de la posologie si nécessaire.
  • Chez les patients chez lesquels des antivitamines K sont maintenus, l'INR doit être étroitement surveillé.

2) FAUT-IL AUGMENTER LA DOSE D'ANTICOAGULATION PROPHYLACTIQUE CHEZ LES PATIENTS GRAVEMENT MALADES ?

Nous suggérons que les patients atteints de COVID-19 sévère, défini comme un besoin en oxygène supérieur à 6 L/min ou un besoin de ventilation mécanique, reçoivent au moins une anticoagulation prophylactique à dose intermédiaire (voir tableau).

   Médicament anticoagulant et dose pour la prophylaxie en fonction de l'indice de masse corporelle et de la clairance de la créatinine  
 Clairance de la créatinine  IMC  Prophylaxie, dose standard Prophylaxie, dose intermédiaire   Prophylaxie, dose thérapeutique
 >30 ml/min   <30  HBPM p. ex. Énoxaparine 4000 UI/24 h  HBPM p. ex. Énoxaparine 4000 UI/12 h  HBPM par ex. Énoxaparine 100 UI/kg/12 h, sans dépasser 10.000 UI/12h 
 >30  HBPM p. ex. Énoxaparine 4000 UI/12 h  HBPM p. ex. Énoxaparine 6000 UI/12h
 15-30 ml/min  <30  HBPM p. ex. Énoxaparine 2000 UI/24 h

 Bolus HNF puis perfusion continue de 200 UI/kg/24 h pour titrer jusqu'à la cible anti-Xa     Bolus HNF, puis perfusion continue de 500 UI/kg/24 h pour titrer jusqu'à la cible anti-Xa   
 >30  HBPM p. ex. Énoxaparine 2000 UI/12 h
 <15 ml/min   <30  HNF 5000 UI/12 h perfusion sous-cutanée ou continue
 >30  HNF 5000 UI/8 h en perfusion sous-cutanée ou continue
Cibler l'activité anti-Xa   Rien HBPM : éviter le surdosage (<1,5 UI/mL pour l'Énoxaparine et la tinzaparine)
HNF : activité détectable et <0,5 UI/mL
HBPM : éviter le surdosage (<1,5 UI/mL pour l'énoxaparine et la tinzaparine)
HNF : 0,5-0,7 UI/mL
IMC : indice de masse corporelle (kg/m²) ; HBPM : Héparine de bas poids moléculaire ; HNF : héparine non fractionnée.

*** D'autres options incluent la Tinzaparine 3 500 UI/24 h ; Daltéparine 5000 UI/24 h ; Fondaparinux 2,5 mg/24 h si clairance de la créatinine > 50 mL/min.

3) QUI PEUT BÉNÉFICIER D'UNE ANTICOAGULATION À DOSE THÉRAPEUTIQUE ?

Le taux de D-dimères est lié aux complications thrombotiques au cours du COVID-19 mais aussi à la gravité de la maladie, notamment la gravité des lésions pulmonaires. Il n'y a pas de seuil clair au-dessus duquel le diagnostic de thrombose est certain,

- Chez des patients sélectionnés présentant un risque thrombotique très élevé défini par un taux de D-dimères >5 µg/mL ou une augmentation rapide du taux de D-dimères (par exemple, au moins deux fois par rapport à une valeur de base >2 µg/mL en 24 à 48 h), nous suggérons d'initier une anticoagulation prophylactique à dose thérapeutique et un dépistage de la thrombose.

4) LA DOSE D'ANTICOAGULANT DOIT-ELLE ÊTRE ADAPTÉE AU POIDS CORPOREL ?

Nous suggérons d'adapter l'anticoagulation au poids ou à l'indice de masse corporelle.

5) QUEL EST LE RISQUE HÉMORRAGIQUE ASSOCIÉ AU COVID-19 ET SA RELATION TEMPORELLE AVEC LE RISQUE THROMBOTIQUE ?

Le risque thrombotique semble prédominant dans les 7 à 10 jours suivant l'hospitalisation, puis le risque hémorragique augmente après cette période. Nous suggérons une stratégie séquentielle chez les patients gravement malades, où l'anticoagulation prophylactique est augmentée pendant 7 à 10 jours, puis réduite à la dose standard de thromboprophylaxie.

6) QUELLE EST LA SURVEILLANCE BIOLOGIQUE MINIMALE DE L'HÉMOSTASE CHEZ LES PATIENTS COVID-19 HOSPITALISÉS ?

  • D-dimères : Pour évaluer le risque thrombotique des patients hospitalisés, les D-dimères peuvent aider à identifier les patients atteints d'une maladie grave, et donc les patients à haut risque thrombotique. Chez les patients gravement malades, nous suggérons de surveiller le niveau de D-dimères toutes les 24 à 48 h pendant les 7 à 10 premiers jours, lorsque la plupart des événements thrombotiques surviennent.
    Initialement proposé comme marqueur du risque thrombotique chez les patients COVID-19, les taux de fibrinogène n'ont pas été associés au risque thrombotique dans la plupart des études et ne peuvent donc pas être utilisés pour identifier les patients à risque de thrombose.
  • La numération plaquettaire, le temps de Quick et le taux de fibrinogène peuvent aider à diagnostiquer la thrombocytopénie induite par l'héparine et la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), bien que ces conditions soient rares chez les patients COVID-19.
    La CIVD est associée à un risque accru de saignement et devrait donc inciter les médecins à réduire la dose d'anticoagulation. Le fibrinogène, en tant que réactif de phase aiguë, peut diminuer l'efficacité de la perfusion d'héparine et entraîner une augmentation des doses requises. La diminution des taux de fibrinogène peut entraîner un surdosage d'héparine non fractionnée et des complications hémorragiques.
  • Chez les patients gravement malades, nous suggérons de surveiller ces paramètres [numération plaquettaire, temps de Quick, fibrinogène] fréquemment pendant la phase aiguë de la maladie, par exemple toutes les 24 à 72 h. Chez les patients en salle, la numération plaquettaire doit être surveillée une à deux fois par semaine pour détecter une thrombocytopénie induite par l'héparine si une dose standard d'héparine non fractionnée est utilisée.
  • Si l'HNF est utilisée, nous suggérons un taux cible d'anti-Xa de 0,5 à 0,7 UI/mL pour la dose thérapeutique. Malgré le manque de preuves, nous suggérons que la perfusion d'héparine soit adaptée à un taux d'anti-Xa détectable sans dépasser 0,5 UI/mL pour la dose intermédiaire.
  • En cas d'utilisation d'héparine de bas poids moléculaire, nous suggérons de surveiller le pic d'anti-Xa (4 h après la troisième injection) pour une dose intermédiaire et thérapeutique afin d'éviter un surdosage. Le taux d'anti-Xa définissant un surdosage est différent pour chaque molécule, par exemple 1,5 UI/mL pour l'énoxaparine ou la tinzaparine.

7) COMBIEN DE TEMPS L'ANTICOAGULATION PROPHYLACTIQUE EST-ELLE JUSTIFIÉE ?

  • Chez les patients sévères, nous suggérons une durée totale d'anticoagulation prophylactique à dose augmentée (intermédiaire ou thérapeutique) de 7 à 10 jours, selon l'évolution décrite de la maladie.
  • Chez les patients à très haut risque thrombotique, sous anticoagulation prophylactique à dose thérapeutique, nous suggérons un dépistage systématique de la thrombose avant désescalade aux jours 7-10. Ces patients sont suspectés de thrombose jusqu'à preuve du contraire. Le dépistage systématique peut inclure une angiographie pulmonaire CT, une échographie de compression ou toute autre imagerie diagnostique disponible.
  • En l'absence de thrombose diagnostiquée, une thromboprophylaxie à dose standard adaptée au poids limiterait les complications thrombotiques jusqu'à la sortie. Si une complication thrombotique est diagnostiquée, un traitement antithrombotique adapté peut être instauré en fonction de sa localisation et de sa sévérité. Dans ce sous-groupe de patients, des tests diagnostiques appropriés pourraient avoir lieu avant le jour 7 en cas de suspicion clinique de thrombose.
  • Dans tous les autres cas de patients hospitalisés, une thromboprophylaxie à dose standard est indiquée jusqu'à la sortie.
  • Après la sortie de l'hôpital, une thromboprophylaxie prolongée doit être décidée au cas par cas. Le risque de thromboembolie veineuse post-congé semble être similaire à d'autres maladies médicales aiguës. Un âge supérieur à 75 ans et des antécédents de thromboembolie veineuse sont fortement associés aux complications thrombotiques post-congé.

Source : Alexandre Godon & al : Prevention of venous thromboembolism and haemostasis monitoring in patients with COVID-19: Updated proposals (April 2021). Anaesth Crit Care Pain Med. 2021 Aug; 40(4): 100919. https://doi.org/10.1016/j.accpm.2021.100919

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Octobre 2021, Synthèse par efurgences