La myocardite est une inflammation du myocarde d’étiologies variées (infectieuses, auto-immunes, toxiques, iatrogènes) qui peut se présenter sous des formes bénignes jusqu’à un choc cardiogénique et une dysfonction ventriculaire persistante. Le diagnostic repose sur une approche multimodale associant données cliniques, biologiques, électrocardiographiques, imagerie cardiaque et, dans des situations ciblées, biopsie endomyocardique. Les recommandations récentes soulignent l’importance de l’IRM cardiaque selon les critères de Lake Louise actualisés et d’une sélection rigoureuse des patients candidats à l’immunosuppression. [1–4]
1. Introduction :
La myocardite correspond à une inflammation du muscle cardiaque associée à des lésions myocytaires non ischémiques. Son incidence exacte est difficile à estimer en raison d’un large spectre clinique allant de formes asymptomatiques à des présentations fulminantes. Elle constitue une cause majeure de cardiomyopathie dilatée acquise chez l’adulte jeune. Une suspicion clinique élevée est nécessaire devant une douleur thoracique associée à une élévation de la troponine en l’absence de maladie coronarienne significative. [1,6]
2. Physiopathologie :
2.1 Mécanismes généraux
La physiopathologie de la myocardite est classiquement décrite en trois phases successives :
- Phase aiguë : infection virale directe (souvent virus : coxsackie, adénovirus, parvovirus B19, SARS-CoV-2, etc.) ou toxicité myocardique entraînant une atteinte cellulaire initiale.
- Phase immuno-inflammatoire : activation de l’immunité innée et adaptative, infiltration lymphocytaire et libération de cytokines pro-inflammatoires.
- Phase chronique : résolution complète ou évolution vers fibrose myocardique et remodelage ventriculaire conduisant à une cardiomyopathie dilatée.
La persistance d’un génome viral intracardiaque influence l’évolution et conditionne la stratégie thérapeutique, notamment l’indication d’une immunosuppression. [1,6,7].
2.2 Formes histologiques spécifiques
Certaines entités histologiques présentent un pronostic et une prise en charge spécifiques, notamment la myocardite à cellules géantes, la myocardite éosinophile et la sarcoïdose cardiaque. Leur identification repose principalement sur la biopsie endomyocardique. [1,7].
3. Signes cliniques
La présentation clinique est hétérogène. Les symptômes les plus fréquents incluent [1,6].:
- Douleur thoracique aiguë mimant un syndrome coronarien aigu
- Dyspnée d’effort ou de repos en lien avec une insuffisance cardiaque
- Palpitations, syncope ou mort subite liées à des troubles du rythme
- Signes généraux associés (fièvre, myalgies, manifestations systémiques)
4. Examens complémentaires
4.1 Biologie
L’élévation de la troponine traduit une atteinte myocytaire mais n’est pas spécifique. Les peptides natriurétiques (BNP ou NT-proBNP) permettent d’évaluer la sévérité de l’insuffisance cardiaque. Les marqueurs inflammatoires sont souvent augmentés. [4]. [lisez notre articles sur les biomarqueurs de l'inflammation]
4.2 Électrocardiogramme
L’ECG peut montrer des anomalies non spécifiques telles qu’une élévation diffuse du segment ST, des troubles de la repolarisation, des blocs de conduction ou des arythmies ventriculaires. [1]
4.3 Échocardiographie transthoracique
L’échocardiographie permet d’évaluer la fonction systolique et diastolique, de rechercher un épanchement péricardique et de suivre l’évolution de la fonction ventriculaire. [4,6].
4.4 Imagerie par résonance magnétique cardiaque IRM
L’IRM cardiaque constitue l’examen non invasif de référence. Les critères de Lake Louise révisés en 2018 reposent sur la combinaison d’anomalies T1 (rehaussement tardif, T1 natif ou volume extracellulaire augmentés) et d’anomalies T2 témoignant de l’œdème myocardique. [2,5,8]
4.5 Biopsie endomyocardique
La biopsie endomyocardique est indiquée dans les formes sévères, fulminantes ou atypiques lorsque le résultat est susceptible de modifier la prise en charge thérapeutique, notamment avant l’instauration d’un traitement immunosuppresseur. [1,4].
5. Complications :
Les principales complications de la myocardite comprennent l’insuffisance cardiaque chronique, les troubles du rythme ventriculaire, la mort subite, les complications thromboemboliques et, dans les formes avancées, la nécessité d’une assistance circulatoire ou d’une transplantation cardiaque. [6,8].
6. Prise en charge médicale :
6.1 Traitement de support
La prise en charge initiale repose sur le traitement de l’insuffisance cardiaque selon les recommandations en vigueur, une surveillance rythmique étroite et l’hospitalisation des formes symptomatiques ou sévères. [4,10]
6.2 Immunosuppression
L’immunosuppression est réservée à des indications précises, principalement les myocardites documentées par biopsie endomyocardique sans persistance virale et certaines formes histologiques spécifiques. L’étude TIMIC (Frustaci et al., 2009) a montré une amélioration significative de la fonction ventriculaire dans ce sous-groupe de patients. [3,16]
6.3 Assistance circulatoire et transplantation
Dans les formes fulminantes avec choc cardiogénique réfractaire, une assistance circulatoire mécanique peut être nécessaire. La transplantation cardiaque reste une option chez les patients évoluant vers une insuffisance cardiaque terminale. [4,6].
7. Suivi et pronostic
Le pronostic est variable. L’étendue du rehaussement tardif en IRM constitue un marqueur pronostique important. Un suivi régulier associant évaluation clinique, échocardiographique et parfois IRM est recommandé. [2,5,6]
8. Conclusion :
La myocardite est une pathologie complexe nécessitant une approche diagnostique et thérapeutique individualisée. L’IRM cardiaque joue un rôle central dans le diagnostic, tandis que la biopsie endomyocardique et l’immunosuppression doivent être réservées à des situations bien définies selon les recommandations récentes.
Tableau – Prise en charge thérapeutique de la myocardite
| Classe thérapeutique | Médicament | Indications principales | Dose usuelle |
|---|---|---|---|
| Traitement de l’insuffisance cardiaque | IEC (énalapril, ramipril) | Insuffisance cardiaque avec dysfonction systolique stable | Énalapril : début 2,5 mg × 2/j → cible 10–20 mg/j |
| ARA II (losartan) | Alternative aux IEC en cas d’intolérance | Losartan : 25–50 mg/j → cible 100 mg/j | |
| Bêtabloquants (bisoprolol, carvédilol) | IC chronique stable, prévention des arythmies | Bisoprolol : 1,25 mg/j → 10 mg/j | |
| Diurétiques (furosémide) | Surcharge hydrosodée, congestion pulmonaire | 20–80 mg/j (adaptation clinique) | |
| Traitement du choc cardiogénique | Dobutamine | Bas débit cardiaque avec hypoperfusion | 2–20 µg/kg/min IV |
| Noradrénaline | Hypotension persistante | 0,05–1 µg/kg/min IV | |
| Antiarythmiques et prévention du risque rythmique | Amiodarone | Tachycardies ventriculaires ou supraventriculaires | IV : 150–300 mg puis 900 mg/24 h PO : 200 mg/j |
| Bêtabloquants | Prévention des arythmies ventriculaires | Doses IC standard | |
| DAI (dispositif implantable) | TV/FV documentée ou FE ≤ 35 % persistante > 3 mois | Selon recommandations rythmologiques | |
| Immunosuppression | Prednisone | Myocardite documentée par BEM Virus négatif Cellules géantes, éosinophile, sarcoïdose |
0,5–1 mg/kg/j (décroissance progressive) |
| Azathioprine | Association à la corticothérapie (TIMIC) | 1,5–2 mg/kg/j | |
| Mycophénolate mofétil | Alternative à l’azathioprine | 1–2 g/j | |
| Ciclosporine | Myocardite à cellules géantes | 3–5 mg/kg/j (selon taux résiduels) | |
| Anticoagulation | Héparine, AOD | Thrombus intra-VG, FA, FE sévèrement altérée | Selon indication standard |
| Assistance circulatoire | ECMO VA | Choc cardiogénique fulminant réfractaire | Support temporaire |
| Assistance ventriculaire, transplantation | Insuffisance cardiaque terminale irréversible | Centres spécialisés |
Prise en charge thérapeutique (selon les recommandations ESC 2025)
Les recommandations récentes (ESC 2025) [European Heart Journal , volume 46, numéro 40, 21 octobre 2025, pages 3952–4041] unifient myocardites et péricardites sous le terme de Syndrome Inflammatoire Myopéricardique (IMPS). [Lisez notre article sur les péricardites]
Traitement de première ligne (Syndrome inflammatoire myopéricardique/péricardite aiguë) : Aspirine + Colchicine pendant 3-6 mois.
Myocardites/Myopéricardites : Anti-inflammatoires (aspirine, colchicine) et bêtabloquants (6 mois).
Myocardites fulminantes ou sévères : Corticoïdes possibles.
Cas réfractaires ou récidivants : Anti-IL1 (anakinra) en 3ème ligne.
Troubles du rythme : Bêtabloquants pour ralentir la fréquence cardiaque.
Bibliographie
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- Ferreira VM, Schulz-Menger J, Holmvang G, et al. Cardiovascular magnetic resonance in non-ischaemic myocardial inflammation: updated Lake Louise criteria (2018) and recommendations. J Am Coll Cardiol. 2018;72:3158–3176.jacc.org
- Frustaci A, Russo MA, Chimenti C. Randomized study on the efficacy of immunosuppressive therapy in patients with virus-negative inflammatory cardiomyopathy: the TIMIC study. Eur Heart J. 2009;30(16):1995–2002. PubMed
- American College of Cardiology Expert Consensus Decision Pathway: Strategies and Criteria for the Diagnosis and Management of Myocarditis (2024/2025 report). J Am Coll Cardiol / ACC publications (Expert Consensus). org+1
- Polte CL, et al. Cardiovascular magnetic resonance in myocarditis: state-of-the-art review. (revue et synthèse, 2022). PMC article. PMC
- Ammirati E, et al. Acute myocarditis: state of the art (review/up-to-date 2024–2025). Eur Heart J Suppl / reviews 2024–2025. OUP Academic
- Tschöpe C, et al. Management of myocarditis-related cardiomyopathy: immunosuppression and targeted approaches. Circ Res. 2019 (review). American Heart Association Journals
- Luetkens JA, et al. Comparison of original and 2018 Lake Louise criteria for acute myocarditis diagnosis. Radiology/Cardiac imaging studies (2019). RSNA Publications
- Chabior A, et al. Advances in myocarditis management in the light of the latest guidelines. Cardiol J. 2024 (revue). PMC
- Revue/consensus francophone et articles de synthèse : Diagnosis and treatment of myocarditis and inflammatory myocardial syndromes (Rev Esp Cardiol / Arch Cardiol 2024). revespcardiol.org
- Meta-analyses et revues sur immunosuppression en myocardite (divers auteurs, 2016–2023) — synthèses et méta-analyses montrant des bénéfices dans des sous-groupes sélectionnés (voir Frustaci TIMIC et revues subséquentes). ScienceDirect+
2025 - Article rédigé avec l'aide de l'IA Chatgpt (recherche bibliographique et synthèse)

