Plante Ruta Graveolens toxicologie1. Description de la plante :

RUTA GRAVEOLENS L. (famille Rutaceae) est une plante vivace, buissonnante, semi-ligneuse à la base, souvent cultivée comme plante médicinale ou ornementale. Elle mesure environ 0,5–1 m de haut, avec une odeur forte et saveur amère caractéristique.

Les feuilles sont persistantes, bleu-vert glauques, finement découpées, pennatiséquées en folioles trilobées. Les fleurs sont petites, jaune-verdâtres, regroupées en cymes terminales. Les fruits sont des capsules à graines noires. 

Nomenclatures / synonymes courants :

  • Ruta graveolens L. : nom scientifique
  • Français : Rue officinale, rue fétide, rue des jardins.
  • Anglais : Common rue, rue herb.
  • Arabe : El-Fijel ou Sadhab

Rue fétide ou rue des jardins.2. Usages médicinaux traditionnels :

Ruta graveolens a une longue histoire d’usage traditionnel dans plusieurs systèmes culturaux. Elle peut exister dans certains compléments alimentaires.

A. Médecines populaires européennes et méditerranéennes

  • Emménagogue et abortif traditionnel (stimule menstruations et, à forte dose, contractions utérines).
  • Antispasmodique, anti-helminthique, vermifuge, tonique digestif.
  • En usage externe : antiparasitaire, rubéfiant, antiseptique. Protection contre les moustiques.

B. Médecine traditionnelle chinoise

  • Utilisée pour "clarifier la chaleur, disperser le stase sanguin", traiter fièvre, troubles respiratoires, rhumatismes, piqûres et éruptions cutanées.

C. Autres usages folkloriques

  • Associée à propriétés anti-inflammatoires, analgésiques, antioxydantes et anti-microbiennes dans certaines traditions.

Note : ces usages sont documentés en ethnomédecine mais souvent sans validation clinique robuste. L’usage par voie orale ou cutanée est déconseillé. 

3. Toxicologie et mécanismes de toxicité :

Ruta graveolens, bien qu'elle semble inoffensive, contient une variété de composés bioactifs, dont :

  • Furanocoumarines (psoralènes, bergaptène, xanthotoxine) — responsables de phototoxicité cutanée.
  • Flavonoïdes (rutine, quercétine) — associés à effets pharmacologiques variés.
  • Alcaloïdes et autres phénols — pouvant contribuer à effets systémiques.

Principaux mécanismes toxiques :

  • Photodermatite de contact : après contact peau + exposition solaire → érythème, vésicules et cloques (effet furanocoumarines).
  • Toxicité hépatique et rénale : extraits montrent signes de toxicité hépatique légère et modifications hématologiques chez animaux.
  • Mutagénicité/clastogénicité : certains extraits ont induit aberrations chromosomiques en modèles murins.
  • Abortifacient / effets reproductifs : reconnus traditionnellement, démontrés dans certains modèles animaux ; contre-indication absolue en grossesse.

4. Signes cliniques d’intoxication :

Les manifestations cliniques dépendent de la voie d’exposition et de la dose :

A. Contact cutané

  • Photodermatite : brûlures semblables à des coups de soleil, érythème, vésicules après exposition à la lumière.

B. Ingestion / voie systémique

  • Gastro-intestinaux : douleurs abdominales, vomissements, diarrhée.
  • Neurologiques : vertiges, tremblements.
  • Hépatotoxicité : élévation des transaminases.
  • Hématologiques : diminution de neutrophiles, anémie.
  • Effets chez la femme enceinte : risques d’hémorragies, avortement.

C. Sévérité :

  • Expositions sévères peuvent entraîner atteinte hépatique et rénale, nécessitant prise en charge médicale.
  • L'intoxication peut être plus grave chez les enfants.

5. Prise en charge médicale :

A. Premiers gestes

  • Décontamination cutanée : laver immédiatement à l’eau et savon; éviter exposition solaire sur zones touchées.
  • Retirer l’exposition orale : ne pas induire de vomissement sans avis médical.

B. Évaluation clinique

  • Histoire complète : dose, mode d’exposition, délai, signes associés.
  • Examens initialement recommandés : bilan hématologique, fonction hépatique et rénale, électrolytes; ECG si suspicion d’atteinte systémique.

C. Prise en charge :

  • Traitement symptomatique et de support : hydrater, antiémétiques si nécessaire, photoprotection.
  • Surveillance des fonctions hépatiques et rénales en cas d’ingestion significative.
  • Consultation d’un centre antipoison est recommandée pour toute exposition notable ou symptomatique.

D. Antidote

  • Aucun antidote spécifique reconnu pour Ruta graveolens. la prise en charge reste symptomatique et de support.

Cas cliniques publiés (exemples) :

1) Intoxication systémique grave chez une patiente âgée (case report)

📌 Seak CJ, Lin CCRuta Graveolens intoxication: Clinical Toxicology (2007).

  • Présentation : Femme de 78 ans ayant consommé une décoction de Ruta graveolens pendant 3 jours à des fins traditionnelles ("protection cardiaque").
  • Signes cliniques : Bradycardie, Insuffisance rénale aiguë avec hyperkaliémie, Coagulopathie.
  • Prise en charge : hémodialyse pour hyperkaliémie et prise en charge supportive.
  • Évolution : amélioration progressive de la bradycardie et de l’hypotension trois jours après la prise en charge.
  • Conclusion : ce cas illustre une toxicité multi-organes possible après ingestion de décoction de rue, rappelant qu’il ne s’agit pas d’un "simple remède végétal". 

👉 Référence PubMed : Ruta Graveolens intoxicationClinical Toxicology 2007;45(2):173-175. PubMed

2) Dermatite phototoxique sévère (case report et review)

📌 Eickhorst K, DeLeo V, Csaposs JRue-associated phytophototoxicity (Dermatitis, 2007).

  • Présentation : Phytodermatose — réaction cutanée sévère après contact avec Ruta graveolens suivi d’une exposition au rayonnement UV (soleil).
  • Signes cliniquesBrûlures cutanées érythémateuses, Phytophototoxicité marquée ressemblant à des cloques et des lésions brûlées.
  • Importance clinique : ce cas rappelle la phytophototoxicité induite par les furanocoumarines (psoralènes) de la plante.

👉 Référence PubMed : Rue the herb: Ruta graveolens-associated phytophototoxicityDermatitis 18(1):52-55 (2007). PubMed

3) Observation clinique rapportée dans un poster tunisien (congrès)

📌 Zarouen N. et al.Intoxication à la Ruta Graveolens : à propos d’un cas (affiche / poster scientifique, Hôpital La Rabta, Tunis).

  • Présentation : patiente de 47 ans utilisant un mélange traditionnel à base de rue, clou de girofle et fenugrec pour un "syndrome grippal".
  • Signes cliniquesInsuffisance rénale aiguë avec hyperkaliémie, Cytolyse hépatique sévère, Éruption cutanée généralisée, Anurie nécessitant hémodialyse dans les premiers temps.
  • Discussion : malgré la perception populaire d’une plante "faiblement toxique", l’utilisation abusive peut entraîner une toxicité rénale, hépatique, neurologique et dermatologique sévère.

👉 Observation clinique documentée disponible sous forme de communication scientifique. aturea.org

Pour en savoir plus :

  1. Hobbs C, Peltzer L. Traditional uses, phytochemistry, pharmacology and toxicology of Ruta graveolens L.: a critical review and future perspectives. J Ethnopharmacol. 20XX;XX(X):XX–XX. PMID: PMC11697671.
  2. Ruta graveolens. Wikipedia
  3. Toxiplante.fr. Monographie Ruta graveolens L. Site Toxiplante
  4. Ruta graveolens L. toxicity in Vampirolepis nana infected mice. PubMed
  5. Clastogenic potential of Ruta graveolens extract in mouse bone marrow cells. PubMed
  6. The Alarming Toxicity of Ruta graveolens. Biomed Res Int J : Biomedres
  7. Bailly, C. Ruta angustifolia Pers. (Narrow-Leaved Fringed Rue): Pharmacological Properties and Phytochemical Profile. Plants 2023, 12, 827. Doi

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